Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
19
LIVRE PREMIER.


Dans plusieurs passages, il appelle Idée l’Être et l’Intelligence. Il enseigne donc que du Bien naît l’Intelligence ; et de l’Intelligence, l’Âme. Cette doctrine n’est pas nouvelle : elle fut professée dès les temps les plus anciens, mais sans être développée explicitement ; nous ne voulons ici qu’être les interprètes des premiers sages et montrer par le témoignage même de Platon qu’ils avaient les mêmes dogmes que nous[1].

Le premier qui ait professé cette doctrine est Parménide, qui identifie l’être et l’intelligence et ne place pas l’être dans les choses sensibles : « Car, dit-il, la pensée est la même chose que l’être[2].» Il ajoute que l’être est immobile[3], tout en lui accordant la pensée ; il refuse à l’être tout mouvement corporel, afin qu’il demeure toujours le même. Il le compare encore à une sphère[4], parce qu’il contient tout enveloppé dans son sein, et qu’il ne tire pas la pensée du dehors, mais de lui-même. Quand il le nomme un dans ses écrits, il veut parler de sa Cause, comme s’il reconnaissait que cette unité [de l’être intelligible] implique multiplicité. Il parle dans le dialogue de Platon avec plus

  1. Voy. sur ce point les Éclaircissements du tome I, p. 498. Ce passage est cité par saint Cyrille, Contre Julien, IV, p. 145.
  2. τὸ γὰρ ἀυτὸ νοεῖν ἐστί τε ϰαὶ εἶναι (to gar auto noein esti te kai einai). Ce vers est cité aussi par Clément d’Alexandrie, Stromates, VI, p. 627.
  3. « Mais l’être est immobile dans les limites de ses grands liens ; il n’a ni commencement ni fin, puisque la naissance et la mort se sont retirées fort loin de lui, et que la conviction vraie les a repoussées. Il reste donc le même en lui-même et demeure en soi ; ainsi il reste stable : car une forte unité le retient sous la puissance des liens et le presse tout autour. C’est pourquoi il n’est pas admissible qu’il ne soit pas infini : car il est l’être qui ne manque de rien, et s’il ne l’était pas, il manquerait de tout. » (Parménide, vers cités par Simplicius, Comm. sur la Physique d’Aristote, fol. 9.)
  4. « Or, l’être possède la perfection suprême, étant semblable à une sphère entièrement ronde. » (Parménide, vers cités par Platon, Sophiste, p. 244.)