Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/406

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et calmé les alliés : on touchait à la réconciliation générale ; et les Athéniens n’auraient pas eu à soutenir la guerre, du moins pour les autres torts qu’on leur reprochait, s’ils avaient consenti à révoquer leur décret contre Mégare, et à se réconcilier avec les Mégariens. Mais Périclès fit les plus grands efforts, pour empêcher la révocation de ce décret, et il excita le peuple à persister dans son animosité jalouse contre les Mégariens ; et c’est pour cela qu’on le regarde comme seul auteur de la guerre.

Une députation vint, pour ce sujet, de Lacédémone à Athènes ; et, Périclès prétextant une loi qui défendait de détruire la table sur laquelle le décret était écrit, un des députés, nommé Polyarcès, lui répliqua, dit-on : « Hé bien ! ne la détruis pas, retourne-la, cette table ; car il n’y a pas de loi qui le défende. » Le mot parut plaisant ; mais Périclès n’en demeura pas moins inflexible. Il est donc probable qu’il avait quelque haine particulière contre les Mégariens ; mais, pour lui donner un prétexte d’intérêt public, et qu’il pût avouer, il les accusa d’avoir empiété sur le terrain consacré, dont la culture était prohibée[1], et il fit décréter qu’un héraut leur serait envoyé pour s’en plaindre, et irait ensuite à Lacédémone soutenir l’accusation. Le décret, rédigé par Périclès, est en termes fort doux et fort modérés. Mais Anthémocrite, qui fut chargé du message, mourut pendant sa mission. On attribua sa mort aux Mégariens ; et Charinus fit décréter qu’il y aurait désormais, entre Athènes et Mégare, haine irréconciliable, haine sans trêve ; que tout Mégarien qui mettrait le pied sur le sol attique serait puni de mort ; que les généraux, quand ils prononceraient le serment exigé par les lois, jureraient en outre de faire, pendant l’année de leur commandement, deux incursions dans la Mégaride, et

  1. Ce terrain consacré, ἡ ἱερὰ ὀργάς, dépendait du temple d’Éleusis, et confinait au territoire de Mégare.