Aller au contenu

Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/216

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

la cruauté et de l'insolence par lui déployées, des supplices qu'il infligeait des exactions auxquelles il se livrait, aucun d'eux, bien qu'ils fussent en nombre considérable, ne s'y opposait. Comme un médecin, qui, ayant affaire à un malade atteint d'abcès et d'ulcères fistuleux, emploierait ses lancettes à lui tailler les cheveux et les ongles, de même le flatteur applique sa liberté de langage aux parties qui ne souffrent point et qui n'ont pas de mal.

[18] D'autres, encore plus adroits que les précédents, s'attachent à rendre agréables la franchise et les reproches. Ainsi, Agis l'Argien, voyant Alexandre combler de présents considérables un homme dont le métier était de faire rire, s'écria d'un air de dépit et de mécontenternent : «Quelle indigne absurdité !» Le roi se tourna vers lui avec colère, et lui demanda ce qu'il venait de dire. «J'en conviens», répondit Agis : «je suis furieux et indigné de ce que vous autres, fils de Jupiter, trouviez tous également du plaisir à écouter ceux qui vous flattent et vous font rire : car Hercule s'amusait de je ne sais quels Cercopes; Bacchus, des Silènes ; et ce sont gens de la même espèce qu'il nous faut voir en faveur auprès de vous». Tibère étant venu un jour au sénat, on vit un de ses flatteurs se lever : «Puisque nous sommes des citoyens libres», dit-il, «nous avons le droit de parler avec franchise, sans aucune réticence, sans aucune réserve, sur ce qui regarde les intérêts publics». Ayant fait ainsi dresser l'oreille à tous, il obtint un grand silence, et Tibère écoutait attentivement. «O César», dit-il, «entendez le sujet de plainte que nous avons tous contre vous, et dont nul n'a le courage de vous parler ouvertement: c'est que vous négligez votre personne, que vous compromettez votre santé, que vous vous épuisez de soucis et de travaux pour nous, sans prendre de relâche ni jour ni nuit». Comme il traînait sur de tels développements, on dit que l'orateur