Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/222

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qui doit faire reconnaître mieux encore la différence de l'un et de l'autre. En effet, comme on l'a fort bien dit avant nous, la promesse faite par l'ami est conçue en ces termes : "Si je le puis, d'abord, si, c'est possible, ensuite"; mais le flatteur dit : "Tout ce qu'il vous plaira : vous n'avez qu'à parler". Ce sont des personnages du même genre que les comiques mettent sur la scène : "Qu'on me place devant ce soudard : on verra Que bientôt sous mon fouet son cuir s'attendrira. De son visage, moi, je veux faire une éponge. Ordonnez, Nicomaque ..." Ce n'est pas tout : aucun de vos amis ne vous prêtera sa coopération sans que vous l'ayez préalablement appelé en conseil, et sans qu'il ait jugé, sans qu'il ait apprécié les actes eux-mêmes au point de vue de la convenance et de l'utilité. Mais le flatteur n'aura pas besoin que vous lui permettiez d'examiner l'entreprise et que vous l'autorisiez à exprimer son opinion. Non seulement il a l'intention de céder et de vous complaire, mais encore il craint que vous ne le soupçonniez d'être indifférent ou de reculer devant ]a besogne. Il est aussi disposé, aussi ardent que vous, à voir l'accomplissement de vos désirs. C'est que l'on ne trouve pas facilement un riche ou un monarque capable de s'écrier : "Que n'ai-je un mendiant, moins qu'un mendiant même, Si l'on veut, mais enfin quelqu'un qui vraiment m'aime, Qui me parle sans crainte et du fond de son cœur!" Non : il faut à ces personnages, ainsi que dans les représentations tragiques, des chœurs d'amis chantant avec eux,