Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/237

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leur grandeur, les événements suffisent à eux seuls pour leur inspirer de la sagesse et du repentir; ils n'ont plus alors besoin d'amis qui usent de franchise avec eux et leur adressent des. paroles pénibles et mordantes. C'est véritablement au milieu de tels revers, "Qu'on aime à rencontrer le regard d'un ami" qui vous console et vous raffermisse. Ainsi, d'après le rapport de Xénophon, le visage de Cléarque au milieu des combats et des conjonctures périlleuses était si calme et si doux, que les soldats en le regardant affrontaient plus résolûment les dangers. Mais employer la franchise et la violence du langage à l'égard d'un ami malheureux, c'est appliquer à des yeux affaiblis et enflammés un topique qui doit trop exciter la vue : loin qu'il y ait adoucissement ou guérison du mal, le dépit s'ajoute à la souffrance, et le malade . n'est que plus exaspéré. Hâtons-nous de le dire : quand un homme se porte bien, il ne songe pas à s'irriter et à s'impatienter si un de ses amis lui reproche ses bonnes fortunes, ses débauches de table, ou même s'il lui cherche querelle de ce qu'il est paresseux, ne fait pas d'exercices, prend trop de bains, se gorge outre mesure ; mais c'est quand il est malade que les réprimandes lui sont insupportables; et pour lui un supplice plus pénible encore que la maladie, c'est de s'entendre dire : «Savez-vous ce qui vous a mis dans cet état? C'est votre intempérance et votre mollesse, c'est la bonne chère, ce sont les femmes». Pouvais-tu, maladroit, parler plus mal à propos! J'écris mon testament; les médecins me préparent du castoréum ou de la scammonée; et voilà que tu me sermonnes, que tu me fais de la morale! Pareillement, la position de nos amis quand ils sont dans le malheur ne demande pas de notre part de la sévérité et un langage sentencieux, mais de la douceur et une assistance