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Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/239

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montre énergique, et quand devra-t-il déployer une franchise absolue ? C'est lorsque la volupté, la colère, l'insolence sont près de faire invasion, et que la circonstance exige que l'on déclare la guerre à une avidité ou à une incurie déraisonnables. Telle fut la franchise de Solon à l'égard de Crésus amolli et corrompu par une prospérité éphémère, quand ce sage l'engageait à considérer la fin des choses; de Socrate à l'égard d'Alcibiade, quand il le corrigeait, quand sa parole sévère lui arrachait de véritables larmes et lui bouleversait le cœur; de Cyrus à Cyaxare; de Platon à Dion, lorsque, celui-ci étant entouré du plus pompeux éclat et fixant sur lui-même les regards de tous les hommes à cause de sa gloire et de l'importance de ses actes, Platon l'exhortait à éviter et à craindre l'arrogance, «qui le condamnerait à vivre dans l'isolement». Au même Dion Speusippe écrivit, qu'il n'eût pas à s'enorgueillir si les petits enfants et les femmes sans conséquence parlaient beaucoup de lui, mais qu'il songeât plutôt à doter la Sicile d'institutions pieuses et justes ainsi que de bonnes lois, afin de faire honneur à l'Académie. Au contraire Euctus et Euléus, courtisans de Persée, accompagnaient constamment ce prince, à l'exemple des autres, lorsqu'il était dans la prospérité ; ils n'étaient occupés qu'à lui plaire, qu'à consulter ses moindres gestes. Mais lorsqu'il eût été vaincu à Pydna et mis en fuite par les Romains, ils tombèrent sur lui avec d'amers reproches; et ils lui rappelèrent toutes ses fautes, toutes ses négligences, en lui faisant honte de chacune d'elles, jusqu'au moment où le prince, douloureusement outré de dépit et de colère, les frappa tous deux de son poignard et leur donna la mort.

[30] Voilà donc que nous avons déterminé d'une manière générale quelles sont les occasions favorables pour parler