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Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/245

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car nous cédons plutôt à ceux qui paraissent partager nos passions et non pas nous accorder une dédaigneuse pitié. De même qu'à un oeil atteint d'inflammation il ne faut pas présenter une lumière trop éclatante, de même une âme éblouie par les passions n'accepte point une franchise et des réprimandes insuffisamment ménagées. Un des moyens les plus efficaces pour être utile en pareille occurrence, c'est de glisser quelques mots d'éloges, comme dans ce passage : "C'est mal à vous, à vous, les braves de l'armée, De manquer en ce jour à votre renommée. Des lâches s'enfuiraient, que je ne dirais rien, Mais vous ! Ah! c'est indigne ..." et dans cet autre : "Qu'as-tu fait, Pandarus, de cet arc, de ces traits, De cette gloire, enfin, qu'admiraient tous les hommes"? Des paroles telles que les suivantes raniment encore d'une manière remarquable ceux qui vont céder à une faiblesse : "Oedipe et sa fameuse énigme, où sont-ils donc"? De même, celles-ci : "Qui parle ainsi? c'est vous, l'infatigable Hercule"! Car non seulement le blâme y perd son accent rude et impérieux, mais encore il en résulte une émulation tacite : on se repent en secret de ce qui est honteux, parce que l'on se rappelle ce qui est bien, et parce que l'on se présente à soi-même comme exemple d'une conduite meilleure. Mais si les gens nous mettent en parallèle avec d'autres qui soient du même âge, de la même ville, de la même famille que nous, la susceptibilité de notre nature vicieuse s'en aigrit, s'en irrite; et souvent nous avons l'habitude de dire tout bas avec colère : «Eh bien, pourquoi ne vas-tu pas les trouver, ceux-là qui valent mieux que moi; et que ne te dispenses-tu