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Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 4, 1870.djvu/383

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dans le timée.

réside loin d’une d’elles. Les éléments se trouvaient donc en cet état, lorsque pour la première fois Dieu les distingua en leur assignant des figures et des nombres. » Encore précédemment Platon avait dit : « Ce n’était pas l’affaire d’une seule proportion : il en fallait deux pour enchaîner la masse entière du monde, en raison de sa solidité et de sa profondeur. » Après avoir expliqué comment c’était en plaçant l’eau et l’air au milieu de la terre que Dieu avait attaché et constitué le ciel, le philosophe ajoute ensuite : « De ces substances, au nombre de quatre, fut engendré le corps du monde, qui se trouva en parfait accord, grâce à leur analogie. Par suite d’un tel concours, les différentes parties de ce monde sympathisèrent entre elles. Elles ne formèrent plus qu’un même tout, que d’autres puissances ne sauraient détruire, si ce n’est celle qui l’a organisé. » Est-il possible d’enseigner d’une façon plus claire, que non pas simplement le corps, non pas simplement la masse et la matière, mais encore la symétrie, la beauté de tout ce qui est corps, et sa ressemblance avec son auteur, sont l’ouvrage de Dieu, père et créateur souverain ? Il faut en penser autant pour ce qui regarde l’âme. Non, l’âme primitive[1] n’est ni une création de Dieu, ni l’âme du monde. Cette dernière est la faculté qui résulte d’un certain essor, d’un certain élan de fantaisie et d’imagination, étranger à toute raison, à toute régularité ; et cette faculté ne doit qu’à elle la spontanéité et la perpétuité de son mouvement. Pour l’âme primitive, Dieu, qui l’a disposée d’après les chiffres et les proportions convenables, a voulu, quand il l’eut engendrée, qu’elle présidât à la direction du monde, lequel à son tour fut engendré.

10. Oui, telle a été la conviction profonde de Platon à cet égard. Ce n’est pas simplement pour produire une théorie, qu’après avoir déclaré le monde et l’âme incréés tous les deux, il a néanmoins admis leur naissance et leur composition. Une preuve[2], entre plusieurs autres, de la parfaite concordance du philosophe avec lui-même, c’est qu’il dit, et

  1. Le texte dit simplement : « l’âme ».
  2. Le texte dit simplement : « entr’autres preuves. »