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Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 4, 1870.djvu/637

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CONTRE COLOTÈS.

sensations plus évidentes les unes que les autres. D’après cela, ce que les Épicuriens appellent des confirmations de témoignages ou des dénégations de témoignages, ne fait rien pour les sens et n’influe que sur l’opinion. Conséquemment encore, s’ils veulent que l’on prononce sur les objets extérieurs d’après ces impressions des sens, (ce qui est attribuer à l’opinion le jugement sur l’existence des corps, et attribuer aux impressions des sens la perception et l’apparence de ces mêmes corps), ils transportent de ce qui est totalement vrai à ce qui souvent est faiblesse la règle de nos jugements.

26. Combien cette doctrine offre d’incertitudes et de contradictions, c’est ce qu’il est inutile de faire remarquer en ce moment. Mais Arcésilaüs semble avoir plus qu’aucun autre porté ombrage à Épicure par sa réputation. À cette époque nul entre les philosophes n’était plus goûté qu’Arcésilaüs. Pourtant, à en croire Épicure, « il ne disait rien qui lui fût propre, et c’était auprès des gens peu éclairés qu’il avait su se faire passer pour un esprit très-orné et d’une grande érudition ». Or, Arcésilaüs songeait si peu à conquérir la réputation d’innovateur et à s’arroger les théories des anciens, que les sophistes d’alors lui faisaient le reproche d’avoir attribué à Socrate, à Platon, à Parménide, à Héraclite, ses opinions touchant « les réserves en matière d’assentiment, et touchant l’impossibilité de comprendre certaines choses ». Non pas, disait-on, que ces philosophes eussent besoin de pareils titres, mais Arcésilaüs voulait accréditer sa théorie en la mettant sur le compte d’hommes célèbres. À cet égard, gråces soient rendues à Colotès, comme à quiconque prouve que les principes des Académiciens sont, d’une source antérieure, parvenus jusqu’à Archélaüs ! Quant à « la réserve en matière d’assentiment », ceux qui se sont donné le plus de mal, qui ont consacré à cette thèse leur plume et leur parole, n’ont pu y porter la moindre atteinte. Ils ont eu beau, en désespoir de cause, aller chercher dans le Portique même[1] ce fameux argument

  1. C’est-à-dire, dans la philosophie stoïcienne.