Page:Plutarque - Vies, traduction Ricard, 1829, tome 1.djvu/232

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sous des maîtres insolents et cruels ! Pourrait-on dire combien il renfermait de courage, de magnanimité, de justice, d’amour du bien public, de désir de la gloire et de la vertu ? Les philosophes ont raison, ce me semble, de définir l’amour un ministère des dieux pour la sûreté et la conservation des jeunes gens. L’amour d’Ariadne (36) fut donc l’ouvrage d’un dieu, et un moyen puissant dont il se servit pour sauver Thésée. Ne blâmons pas cette princesse ; mais plutôt soyons étonnés que tous les hommes et toutes les femmes n’aient pas eu pour Thésée la même affection. Si elle a éprouvé seule une passion si vive, je crois pouvoir dire qu’elle méritait l’amour d’un dieu, pour avoir aimé ce qui était beau et honnête, en s’attachant à un homme d’un si grand courage.

III.. Thésée et Romulus étaient nés tous deux pour gouverner ; mais ils ne surent ni l’un ni l’autre conserver le caractère de roi. Ils firent dégénérer la royauté, l’un en démocratie et l’autre en tyrannie ; ils tombèrent tous deux dans la même faute par des passions contraires. Le premier devoir d’un roi est de conserver son état ; et pour cela, il doit autant s’abstenir de ce qui n’est pas convenable que s’attacher à ce qui est décent. S’il relâche ou s’il roidit trop les