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Page:Plutarque - Vies, traduction Ricard, 1829, tome 1.djvu/45

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DE PLUTARQUE.

il se livre à cette passion honteuse, dément par sa conduite les préceptes qu’il à donnés dans ses écrits, et fait déchirer à coups de fouet, sous ses yeux, un malheureux esclave. — Comment, coquin, lui répondit Plutarque avec beaucoup de tranquillité, à quoi juges-tu que je sois en colère ? Ma voix, mon visage, ma couleur, portent-ils l’empreinte de cette passion ? Mes yeux et ma bouche marquent-ils que je sois hors de moi-même ? M’entends-tu pousser des cris de fureur, et dire des paroles dont je puisse avoir à me repentir ? En disant ces mots, il se tourne vers celui qui châtiait l’esclave : Mon ami lui dit-il, pendant que nous disputons lui et moi, continue ton office. » On pourra soupçonner, dans ces derniers mots une ironie cruelle qui démentirait le caractère humain qu’on attribue à Plutarque : car l’homme qu’on punit peut bien ne pas mériter ce pardon ; mais, dès qu’il souffre, il ne doit pas être l’objet de la raillerie. M. Dacier trouve dans cette tranquillité tout ce qu’on pourrait attendre de la fureur la plus marquée, et croit que sou humanité aurait dû souffrir d’assister lui-même à cette punition. Il est certain qu’on voit avec peine Plutarque être témoin d’une pareille exécution, et y conserver autant de sang-froid.