Page:Plutarque - Vies, traduction Ricard, 1829, tome 1.djvu/457

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de savoir, mais afin qu’après avoir été le témoin de ma puissance et de mes richesses, il allât attester à toute la Grèce une félicité dont la perte me cause aujourd’hui plus de mal que sa jouissance ne m’a jamais fait de bien. Je ne goûtais alors qu’un bonheur idéal, mais le revers que j’éprouve maintenant me plonge dans un malheur aussi réel qu’irremédiable. Cet homme sage, augurant, d’après la manière dont je vivais alors, ce qui m’arrive aujourd’hui, m’avertissait d’envisager la fin de ma vie, et de ne pas m’enfler d’orgueil par une confiance présomptueuse en un bonheur incertain. » Lorsqu’on eut rapporté cette réponse à Cyrus, ce prince, plus sage que Crésus, voyant la conjecture de Solon confirmée par un exemple si frappant, ne se contenta pas de délivrer Crésus, mais le traita de la ma nière la plus honorable le reste de sa vie. Ainsi Solon eut la gloire d’avoir, par un seul mot, sauvé la vie à un roi, et donné à un autre une leçon utile.

29. Cependant son absence avait replongé les Athéniens dans leurs premières dissensions. Les habitants de la plaine avaient Lycurgue à leur tête ; Mégaclès, fils d’Alcméon, était chef de ceux de la côte, et Pisistrate de ceux de la montagne. A ces derniers s’était jointe la tourbe des mercenaires, ennemis déclarés