Page:Plutarque - Vies, traduction Ricard, 1829, tome 11.djvu/54

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passion plus terrible encore, c’est la superstition : semblable à l’eau, qui gagne toujours les parties basses, cette passion s’insinue dans les âmes abattues par la crainte, les glace de terreur, et les remplit des opinions les plus absurdes ; c’est l’effet qu’elle produisit alors sur Alexandre. Cependant, calmé par des oracles qu’il reçut du dieu au sujet d’Éphestion, il quitta son deuil et se remit à faire des sacrifices et des festins. Un jour, après avoir donné à Néarque un superbe repas, il se mit au bain, selon sa coutume, pour aller ensuite se coucher ; mais pressé par Médius d’aller faire collation chez lui, il s’y rendit : là, après avoir bu le reste de la nuit et le jour suivant, il fut pris de la fièvre ; ce n’est pas qu’il eût bu la coupe d’Hercule, et qu’il eût senti une douleur subite et aiguë dans le dos, comme s’il eût été frappé d’un coup de lance ; particularités imaginées par quelques historiens pour rendre la fin de sa vie plus digne de pitié, en lui donnant l’air du dénouement d’une grande tragédie. Aristobule rapporte simplement qu’ayant été saisi de la fièvre et éprouvant une altération violente, il but du vin ; qu’aussitôt il tomba dans le délire, et mourut le trente du mois Daésius.