Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

celles que chargent l’embonpoint et un excès de nourriture y résistent, par leur pesanteur. On a observé de même que les enfants dont les mères ont été purgées pendant leur grossesse ont la taille plus fine et sont plus beaux, parce que la matière dont leur corps est formé est plus légère, et reçoit mieux l’impression qui doit la façonner[1]. Mais ne décidons rien sur la question ; et que d’autres recherchent la cause de ce phénomène.

Voici un exemple de la crainte extrême qu’avaient ces enfants de voir leurs larcins découverts. Un d’eux avait dérobé un renardeau, et il l’avait caché sous sa robe : il se laissa déchirer le ventre, par les ongles et les dents de l’animal, sans jeter un cri, et il mourut sur la place, pour garder le secret. Ce fait n’est pas incroyable, à en juger par les jeunes Spartiates d’aujourd’hui : j’en ai vu, plus d’une fois, qui expiraient sous les verges, sur l’autel de Diane Orthia[2].

L’irène, après le souper, et avant de quitter la table, ordonnait à quelqu’un des enfants de chanter ; il proposait à un autre quelques questions : par exemple, quel était le plus homme de bien de la ville, ou encore ce qu’il fallait penser de telle action. Par là on les accoutumait, dès leur enfance, à juger du bien et du mal, et à s’enquérir des mœurs des citoyens ; car, hésiter de répondre à ces questions : Qui est bon citoyen ? Qui n’a pas une bonne réputation ? c’était, au jugement des Spartiates, la marque d’un naturel lâche, qu’aucun sentiment d’honneur n’excitait à la vertu. La réponse devait être accompagnée de sa raison et de sa preuve, et renfermée en quelques mots pertinents et précis. Celui qui répondait négligemment était puni : l’irène le mordait au pouce. Souvent c’était en présence des vieillards et des magistrats, que

  1. Plutarque parle ici d’après Hippocrate, comme, un peu plus haut, d’après Xénophon.
  2. C’était à cet autel qu’on les châtiait de leurs fautes ; et le point d’honneur consistait pour eux à endurer les coups sans mot dire et sans sourciller.