Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

appelé Camillus, nom que quelques peuples grecs donnent à Mercure, parce qu’il est le ministre des dieux.

Après ces réformes, qui devaient lui concilier la bienveillance du peuple et ses bonnes grâces, Numa, sans perdre un instant, prit à tâche d’adoucir les mœurs des citoyens, comme on amollit le fer, et de substituer, à leurs inclinations dures et guerrières, des affections plus tendres et plus justes. Rome était alors cette ville en effervescence dont parle Platon[1]. Œuvre, à sa première origine, de l’audace et de la témérité des hommes les plus hardis et les plus belliqueux, qui s’y étaient rassemblés de toutes parts ; nourrie au milieu des expéditions militaires, et dans des guerres continuelles, c’est par les armes qu’elle avait grandi sa puissance, et c’est par les dangers qu’elle semblait se fortifier chaque jour, comme les pieux qu’on enfonce s’affermissent par les coups qu’on leur donne. Numa, pensant bien que c’était grande et rude entreprise, que de vouloir adoucir et porter à la paix ce peuple fier et guerrier, appela la religion à son secours. Des fêtes, des sacrifices, des danses, qu’il ordonnait, qu’il conduisait lui-même, et dont il tempérait la gravité par l’attrait du plaisir : tels étaient les moyens habituels dont il se servait pour apprivoiser, pour amollir, ces courages bouillants, et qui ne respiraient que la guerre. Quelquefois aussi il leur racontait des prodiges effrayants, dont les dieux l’avaient fait témoin : visions étranges, voix menaçantes ; enfin il dompta et fit fléchir leurs âmes sous l’empire de la religion.

C’est cette conduite surtout qui donna lieu de croire que Numa devait sa sagesse aux leçons et à l’amitié de Pythagore. En effet, les premières bases du gouvernement de Numa, comme de la doctrine du philosophe, étaient le culte de la divinité et les pieux exercices. Ce fut encore, dit-on, dans les mêmes vues que Pythagore

  1. Au livre deuxième de la République.