THÉSÉE
Quand les historiens décrivent la terre, mon cher Sossius Sénécion[1], ils suppriment, aux extrémités de leurs cartes, les contrées sur lesquelles ils n’ont pas de renseignements précis ; et des notes à la marge expliquent leurs raisons : « Au delà de ces limites, sables arides, pleins de bêtes féroces ; » ou bien : « Marais couverts de ténèbres ; » ou bien encore : « Frimas de la Scythie ; » ou bien enfin : « Mer prise par les glaces. » Moi aussi, en composant ces Vies comparées, je pourrais, à leur exemple, après avoir parcouru les temps où la vraisemblance est permise au discours, et où le récit historique s’appuie sur des faits certains, dire des âges qui ont précédé : « Au delà de ces limites, c’est le pays des prodiges et des tragédies, habité par les poëtes et les mythologues ; nulle vraisemblance, nulle authenticité. »
- ↑ Les Latins écrivaient son nom Sosius. C’était un des premiers personnages de Rome, au temps de Néron et de Trajan. Plutarque lui a aussi dédié quelques-uns de ses ouvrages de morale.