Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/187

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fils Marcius, mari de Pompilia, fixa son séjour à Rome, et il eut un fils, nommé Ancus Marcius, qui fut roi après Tullus Hostilius, et qui n’avait, dit-on, que cinq ans à la mort de Numa. Cette mort ne fut ni précipitée ni subite. Numa tomba dans une maladie de langueur, et il s’éteignit peu à peu de vieillesse, suivant le récit de Pison[1]. Il était âgé d’un peu plus de quatre-vingts ans.

Les honneurs qui accompagnèrent ses obsèques ajoutèrent encore à l’éclat de sa vie. Les peuples alliés et amis de Rome s’y rendirent, avec des présents et des couronnes ; les sénateurs portèrent sur leurs épaules le lit funèbre ; les prêtres formaient le cortège, suivis d’une foule innombrable, mêlée de femmes et d’enfants. On eût dit non point les funérailles d’un roi mort de vieillesse, mais le convoi de l’ami le plus cher, qui aurait été ravi à la fleur de son âge : tous fondaient en larmes, et poussaient de profonds gémissements. On ne brûla point son corps, parce qu’il l’avait, dit-on, défendu ; mais on fit deux cercueils de pierre, qu’on enterra au bas du Janicule : l’un renfermait le corps, et l’autre les livres sacrés, qu’il avait écrits lui-même, comme les législateurs grecs écrivaient leurs Tables. Il avait, pendant sa vie, instruit les prêtres de tout ce que ces livres contenaient, et il leur en avait expliqué la doctrine : il ordonna de les enterrer avec lui, parce qu’il ne jugeait pas convenable que des lettres mortes eussent le dépôt de ces mystères. C’est pour le même motif, dit-on, que les pythagoriciens ne mettent point par écrit leurs préceptes, et qu’ils les confient, par un enseignement de vive voix, à la mémoire de ceux qu’ils en jugent dignes. Ils avaient communiqué un jour, à un homme qui en était indigne, les démonstrations et les théories les plus ardues, les plus subtiles et les moins connues de la géométrie ; et la divi-

  1. L. Calpurnius Piso Frugi, jurisconsulte, historien et orateur, consul l’an 133 avant J.-C, censeur en 121, auteur de la fameuse loi sur la concussion, appelée Calpurnia de repetundis.