Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/222

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une riche héritière, se livre à celui des parents de son mari qu’elle préférera. Quelques-uns cependant approuvent qu’on punisse de cette façon ceux qui, inhabiles au mariage, épousent de riches héritières par cupidité, et usent du bénéfice de la loi pour outrager la nature. Instruits que leurs femmes auront le droit de se donner à qui bon leur semblera, ou ils renonceront au mariage, ou ils ne se marieront que pour leur honte, et pour subir la juste peine de leur avarice et de leur crime. Ce n’est pas non plus sans raison, ajoutent-ils, que le choix de la femme est restreint, et qu’elle ne peut s’adresser qu’à l’un des parents du mari : le législateur a voulu que les enfants qui naîtraient fussent du sang du mari et de sa race. C’est par un semblable motif qu’il ordonna que les nouveaux mariés fussent enfermés ensemble et mordissent à un même coing[1], et que l’époux de la riche héritière lui rendît le devoir conjugal, au moins trois fois par mois. Quoiqu’il n’en vienne point d’enfants, c’est toujours un honneur qu’il fait à la vertu de sa femme ; et puis ces marques de tendresse dissipent les sujets de mécontentement qui naissent si souvent entre les époux, et les empêchent de dégénérer en querelles ouvertes.

Quant aux autres mariages, Solon proscrivit toute dot, et il régla que la femme apporterait avec elle trois robes, quelques meubles de peu de valeur, et rien autre chose. C’est que, selon lui, le mariage ne devait pas être un objet de trafic et de lucre, mais une société intime entre le mari et la femme, la condition de la procréation des enfants, un lien de douceur et d’amour. La mère de Denys demandait un jour à son fils qu’il la mariât à un certain jeune homme de Syracuse : « J’ai bien pu, répondit-il, violer les lois de mon pays, en saisissant la tyrannie ; mais il n’est pas en mon pouvoir de forcer les lois de la

  1. Plutarque cite ailleurs cette coutume, qui signifie, selon lui, qu’une femme doit mettre, dans ses paroles, beaucoup de charme et d’agrément. Le coing était un fruit très-estimé chez les anciens.