Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/25

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la Carie[1]. De là l’usage conservé par les Ioxides, hommes et femmes, de ne point brûler les asperges sauvages ni les épines : ils les honorent, et leur rendent une sorte de culte.

Il y avait, à Crommyon, une laie nommée Phéa[2], animal dangereux et plein de courage, et dont il n’était pas aisé de venir à bout. Thésée, pour ne point paraître agir uniquement par nécessité, l’attendit et la tua, alors qu’il pouvait continuer son chemin. Il croyait, d’ailleurs, qu’un homme de cœur ne doit combattre les hommes que pour repousser les attaques des méchants, mais qu’il doit provoquer les animaux courageux, et s’exposer contre eux à tous les dangers. Quelques-uns disent aussi que Phéa était une femme meurtrière et débauchée, qui habitait à Crommyon ; qu’on lui avait donné le surnom de laie, à cause de ses mœurs et de son genre de vie, et qu’ensuite elle périt sous les coups de Thésée.

Sur les confins de Mégare, Thésée donna la mort à Sciron, en le précipitant du haut d’un rocher dans la mer. Suivant l’opinion la plus reçue, Sciron était un brigand qui pillait les étrangers ; selon d’autres, cet homme impudent et superbe leur présentait ses pieds, et il les forçait de les lui laver ; puis, pendant l’opération, il les précipitait d’un coup de talon dans la mer. Les écrivains de Mégare combattent cette tradition, et, faisant la guerre, selon l’expression de Simonide[3], à la longue autorité des temps, ils disent que Sciron ne fut ni un brigand ni un scélérat, mais, au contraire, le destructeur des méchants, le protecteur et l’ami des hommes justes et vertueux. Éacus, ajoutent-ils, passe pour l’homme le plus saint de la Grèce ; Cychrée de Salamine reçoit à Athènes les hon-

  1. On ignore s’ils y avaient fondé une ville, ou si le nom d’Ioxides était celui simplement d’une peuplade qui prétendait descendre d’eux.
  2. Ce nom signifie noirâtre.
  3. Poëte et philosophe, né à Iulis, dans l’île de Céos, contemporain d’Eschyle et de Pindare.