Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/290

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lorsqu’une trirème de Ténédos[1], commandée par Panétius, passa aux Grecs, et leur confirma la nouvelle. La colère et la nécessité décidèrent donc les Grecs à tenter l’événement. Le lendemain, à la pointe du jour, Xerxès se plaça sur une hauteur, d’où il surveillait sa flotte et les dispositions de la bataille. C’était, suivant Phanodème[2] au-dessus du temple d’Hercule, près de l’endroit le plus resserré du canal qui sépare l’île de Salamine de l’Attique ; mais, suivant Acestodore[3], c’était à la limite de la Mégaride, sur les coteaux qu’on appelle les Cornes. Assis sur un trône d’or, Xerxès avait à ses côtés plusieurs secrétaires, chargés d’écrire tous les événements du combat.

Pendant que Thémistocle faisait un sacrifice sur la trirème du commandement, on lui amena trois prisonniers d’une beauté remarquable, magnifiquement vêtus, et tout chargés d’ornements d’or : on les disait fils d’Artayctus et de Sandaucé, sœur du roi. À peine le devin Euphrantidès les eut-il aperçus, qu’une grande flamme tout étincelante jaillit des victimes, et qu’un éternuement retentit à droite. Le devin prend la main de Thémistocle ; il lui commande de donner à Bacchus Omestès[4] les jeunes gens en offrande, et de les lui immoler. C’était, disait-il, le moyen d’assurer le salut des Grecs et leur victoire. Thémistocle, à cette singulière et cruelle exigence du devin, fut frappé de stupeur ; mais la multitude, comme c’est l’ordinaire dans les conjonctures difficiles et dans les périls extrêmes, comptait bien plus, pour son salut, sur l’étrange que sur les moyens avoués par la raison : elle se mit à invoquer le dieu tout d’une voix ; et, menant les prisonniers au pied de l’autel, elle exigea, à toute

  1. Ténédos était une des îles grecques possédées par les Perses.
  2. Écrivain du siècle de Thémistocle, auteur d’une Histoire de l’Attique, et fort peu connu d’ailleurs.
  3. N’est connu que comme auteur d’un Traité des choses fabuleuses des villes.
  4. Le surnom d’Omestès signifie cruel, ou, plus exactement, mangeant cru.