Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/305

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Dinon[1], Clitarque[2] Héraclide, et plusieurs autres encore, assurent qu’il parut devant Xerxès lui-même. Mais le sentiment de Thucydide semble s’accorder davantage avec les tables chronologiques, dressées, du reste, elles aussi, avec peu de fidélité. Thémistocle donc, quand il se vit au moment critique, s’adressa d’abord à Artaban, chef d’un corps de mille hommes. Il dit à Artaban qu’il était Grec de nation, et qu’il désirait entretenir le roi d’affaires d’une haute importance, et que le roi lui-même avait fort à cœur. « Étranger, répondit Artaban, les lois des hommes ne sont point partout les mêmes. Ce qui est beau pour les uns ne l’est pas pour les autres ; mais il est beau à tout homme quelconque de respecter et de maintenir les lois de son pays. Vous autres, vous estimez, dit-on, au-dessus de tout, la liberté et l’égalité : pour nous, entre tant de belles lois que nous avons, la plus belle, à nos yeux, c’est celle qui nous ordonne d’honorer le roi, et d’adorer en lui l’image du dieu qui conserve toutes choses. Si donc tu veux t’accommoder à nos usages, et l’adorer, il t’est loisible, comme à nous, de le voir et de l’entretenir. Si telles ne sont pas tes dispositions, tu ne lui pourras parler que par des intermédiaires ; car c’est la coutume, en Perse, que nul ne reçoit audience du monarque, sans l’avoir adoré. » À ces observations d’Artaban, Thémistocle répliqua : « Je suis venu, ô Artaban ! pour augmenter la gloire et la puissance du roi. Oui, j’obéirai à vos lois, puisque telle est la volonté du dieu qui a élevé si haut la fortune des Perses ; bien plus, le roi verra, par mon aide, s’augmenter le nombre de ses adorateurs. Ainsi donc, qu’il n’y ait là aucun obstacle à l’entretien que je veux avoir avec lui. — Mais, dit Artaban, sous quel nom te faut-il annoncer ? car tes sentiments n’ont rien d’un homme vulgaire. — Quant à

  1. Contemporain d’Alexandre, et auteur d’une Histoire de la Perse ; fort peu connu d’ailleurs.
  2. Fils du précédent, et aussi peu connu.