Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/310

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

miner la multitude des offrandes qu’on y avait consacrées. Il vit, dans le temple de la mère des dieux, la jeune fille Hydrophore[1], comme on nommait une statue de bronze haute de deux coudées, que lui-même avait fait faire, pendant qu’il était intendant des eaux à Athènes : c’était l’emploi du produit des amendes auxquelles il condamnait ceux qui détournaient les eaux publiques dans des canaux particuliers ; et il l’avait consacrée dans un temple. Soit qu’il souffrît de voir son offrande ainsi prisonnière, ou qu’il voulût faire montre aux Athéniens de tous les honneurs et du crédit dont il jouissait dans les États du roi, il parla de la statue au satrape de Lydie, et il lui demanda la permission de la renvoyer à Athènes. Le barbare, irrité de cette demande, lui dit qu’il allait en écrire au roi. Thémistocle, effrayé, recourut au gynécée, et il se concilia, à prix d’argent, les concubines du satrape. Celui-ci s’apaisa ; mais ce fut pour Thémistocle une leçon d’être à l’avenir plus réservé, et de se mettre en garde contre l’envie des barbares. Aussi ne parcourut-il point les autres contrées de l’Asie, quoi qu’en dise Théopompe ; il se fixa à Magnésie, où il recueillait le fruit des grands bienfaits du roi, et où il recevait les mêmes honneurs que les grands de la Perse. Il y vécut longtemps paisible ; car le roi n’avait pas le temps de songer aux affaires de la Grèce, occupé qu’il était dans les hautes provinces de l’empire.

Mais la révolte de l’Égypte, soutenue par les Athéniens, et les progrès de la flotte des Grecs, qui s’était avancée jusqu’à Cypre et aux côtes de la Cilicie, et enfin toute la mer soumise par Cimon, tournèrent la pensée du roi du côté des Grecs : il songea à s’opposer à leurs entreprises, et à les empêcher de se fortifier contre lui. Déjà ses troupes se mettaient en mouvement, et les gé-

  1. C’est-à-dire qui porte de l’eau.