Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/318

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secrets importants. Tout en causant, le Romain marchait, et le Véien suivait toujours. Mais, une fois arrivés à suffisante distance de la ville, le Romain, profitant de la supériorité de sa force, saisit son homme, l’enlève, et, secondé par quelques soldats accourus du camp, le remet aux mains des généraux. Le Véien, réduit en cette nécessité, et persuadé d’ailleurs que nul ne saurait éviter sa destinée, révéla les oracles secrets qui intéressaient sa patrie : il dit qu’elle ne pouvait être prise qu’au cas où les ennemis, changeant la direction des eaux débordées du lac d’Albe, les feraient rentrer dans leur lit, ou du moins les empêcheraient de se jeter dans la mer.

Informé de la prédiction, le sénat, à court de moyens, prit le parti d’envoyer consulter l’oracle de Delphes. Les députés furent Cossus Licinius, Valérius Potitus et Fabius Ambustus, trois hommes considérables, et des plus puissants de Rome. Leur navigation fut heureuse : et, outre la réponse du dieu sur l’objet de leur mission, ils rapportèrent d’autres oracles, qui les avertissaient qu’on avait négligé, dans la célébration des féries Latines, certaines cérémonies consacrées par l’usage. Quant aux eaux du lac d’Albe, il fallait, dirent-ils, faire tous les efforts pour les ramener de la mer dans leur ancien lit, ou, si cela était impossible, creuser des canaux et faire des tranchées, où elles se détourneraient, pour aller se perdre à travers les campagnes. Les prêtres, sur cette réponse de l’oracle, réparèrent ce qu’on avait omis dans les sacrifices, tandis que le peuple se mettait à l’œuvre, et qu’il détournait les eaux du lac.

La dixième année de la guerre, le sénat, ayant abrogé les autres magistratures, nomma dictateur Camille, qui choisit pour général de la cavalerie Cornélius Scipion. À peine entré en charge, Camille s’engagea par un vœu solennel, s’il terminait heureusement la guerre, à faire célébrer les grands Jeux, et à dédier un temple à la déesse que les