Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/331

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demande, Brennus[1], roi des Gaulois, se mit à rire : « Leur tort envers nous, dit-il, c’est qu’ils veulent possséder, à eux seuls, des terres immenses, tandis qu’ils ne peuvent cultiver qu’une petite étendue de pays ; c’est qu’ils refusent de partager avec nous, qui sommes étrangers, nombreux et pauvres. C’était là, ô Romains ! le tort que vous avaient fait à vous, jadis, les Albains, les Fidénates, les habitants d’Ardée ; c’est Celui qui vous ont fait naguère les Véiens et les Capénates, la plupart des Falisques et des Volsques. Tout peuple qui refuse de vous donner une part de ses biens, vous marchez en armes contre lui, réduisant les hommes en servitude, mettant tout au pillage, détruisant les villes. Vous ne faites, en cela, rien d’extraordinaire ni d’injuste : vous suivez la plus ancienne de toutes les lois, celle qui donne aux plus forts les biens des plus faibles : loi qui commence à Dieu même, et qui s’étend jusqu’aux bêtes sauvages ; car elles savent, elles aussi, que le fort prétend toujours être mieux partagé que le faible. Cessez donc de montrer tant de compassion pour les Clusiens assiégés, si vous ne voulez pas inspirer aux Gaulois un sentiment de bienveillance et de pitié en faveur des peuples opprimés par les Romains. »

Cette réponse fit juger aux députés de Rome qu’il n’y avait pas d’accommodement possible avec Brennus : ils entrèrent donc dans Clusium, relevèrent le courage des assiégés, et les animèrent à faire une sortie, s’offrant de combattre avec eux, soit qu’ils voulussent connaître le courage des barbares, ou leur faire éprouver leur valeur ; et les Clusiens suivirent ce conseil. Or, dans le combat qui se livra près des murs de la ville, Quintus Ambustus, un des trois Fabius, poussa son cheval contre un Gaulois de haute taille et d’une mine avantageuse, qui paradait sur le sien, loin en avant du rang de bataille. Il ne

  1. Plutarque aurait dû dire le brenn, c’est-à-dire le chef des Gaulois : ce nom était un titre, et non pas un nom propre.