Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/337

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du moins se fait avec mouvement : les autres substances matérielles tombent, quand elles perdent leur chaleur, dans un état d’inertie peu différent de la mort : elles désirent l’action puissante du feu, comme leur âme et leur vie ; et, dès qu’elles en ont éprouvé l’impression, elles se reprennent à agir, comme à subir l’action des autres êtres. Voilà pourquoi Numa, ce grand homme, et si sage qu’on s’imagina qu’il avait des entretiens avec les Muses, consacra le feu, et ordonna qu’on l’entretînt perpétuellement, comme une image de cette puissance éternelle qui gouverne l’univers. D’autres disent que les Romains, à l’exemple des Grecs, conservent toujours le feu devant les choses saintes, comme un symbole de pureté ; mais qu’il y a, dans l’intérieur du temple, d’autres choses sacrées, sur lesquelles nul n’a le droit de jeter les yeux, sinon les vierges qu’on appelle Vestales. C’est même un bruit commun que ce temple renferme le fameux Palladium, qu’Énée aurait transporté de Troie en Italie. D’autres disent que ce sont les dieux de Samothrace : ils content que Dardanus, fondateur de Troie, les avait apportés dans sa ville : qu’il y avait établi leurs cérémonies et leur culte, et qu’à la prise de Troie, Énée les enleva secrètement, et qu’il les emporta en Italie.

Suivant d’autres, qui se prétendent mieux informés, il y a, dans le temple, deux tonneaux de médiocre grandeur : l’un est ouvert et vide, l’autre plein et fermé ; et ces deux tonneaux, les vierges consacrées ont seules la liberté de les voir. D’autres, enfin, taxent d’erreur ces derniers : seulement, à les en croire, les Vestales, en ce jour de terreur, auraient enfermé dans deux tonneaux la plupart des choses sacrées, et elles auraient enterré les deux tonneaux sous le temple de Quirinus, dans l’endroit qu’on appelle encore aujourd’hui les Barils[1] ; puis après, elles auraient pris avec elles ce qu’il y avait de

  1. En latin Doliola.