Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/38

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rassemblée s’écrie : « Éléleu ! Iou ! Iou ! » Le premier cri est celui de gens qui se hâtent et qui sont dans la joie ; le second marque l’étonnement et le trouble.

Thésée, après avoir enseveli son père, s’acquitta de son vœu envers Apollon, le 7 du mois Pyanepsion[1] ; car c’est le jour qu’ils rentrèrent sains et saufs dans Athènes. L’usage de faire bouillir ce jour-là des légumes vient, dit-on, de ce que les jeunes gens firent cuire, dans une même marmite, tout ce qui leur restait de vivres, et les mangèrent ensemble. On porte aussi, dans ces fêtes, l’irésione, branche d’olivier entourée de laine[2], comme faisaient les suppliants d’alors. Elle est garnie des prémices de toutes sortes de fruits, en mémoire du temps où la stérilité cessa dans l’Attique ; et l’on chante les vers suivants :

Irésione, porte des figues, et des pains nourrissants,
Et du miel dans une cotyle[3], et l’olive bonne à cuire,
Et une coupe de vin pur, pour t’enivrer et t’endormir.


D’autres veulent pourtant que ces vers aient été faits parce que les Héraclides avaient été nourris de cette manière par les Athéniens. J’ai suivi la tradition la plus commune.

Le navire à trente rames sur lequel Thésée s’était embarqué avec les jeunes enfants, et qui le ramena heureusement à Athènes, fut conservé par les Athéniens jusqu’au temps de Démétrius de Phalère. Ils en ôtaient les pièces de bois, à mesure qu’elles vieillissaient, et ils les remplaçaient par des pièces neuves, solidement enchâssées. Aussi les philosophes, dans leurs disputes sur la nature des choses qui s’augmentent, citent-ils ce navire comme un exemple de doute, et soutiennent-ils, les

  1. Partie d’octobre et de novembre.
  2. Ces mots donnent le sens du mot irésione.
  3. Mesure de capacité correspondant à peu près au quart d’un litre.