Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/404

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Samos abattue, Périclès revint à Athènes. Là, il célébra avec pompe les funérailles des guerriers morts dans la guerre ; et, suivant l’usage, il prononça leur éloge funèbre, aux applaudissements de tous. Lorsqu’il descendit de la tribune, les femmes lui tendaient les mains, et elles lui jetaient des couronnes et des bandelettes, comme à un athlète vainqueur ; mais Elpinice, s’approchant de lui : « Oui, Périclès, cela est admirable, dit-elle, cela est digne de ces couronnes, d’avoir fait périr tant et de si braves citoyens, non pas en faisant la guerre contre les Phéniciens ou les Mèdes, comme mon frère Cimon, mais pour ruiner une ville alliée, une ville parente d’Athènes[1] ! » Périclès l’écouta sans s’émouvoir ; et il lui répondit, en souriant, par un vers d’Archiloque :

Vieille, tu devrais ne plus te parfumer !

Le poëte Ion prétend qu’après sa victoire sur les Samiens, Périclès se prit d’admiration pour lui-même, et qu’il se laissa aller à une haute opinion de son mérite. « Agamemnon, disait-il, a mis dix ans à s’emparer d’une ville barbare ; et moi j’ai emporté, en neuf mois, la première et la plus puissante ville des Ioniens. » Et certes, il avait quelque droit de se glorifier ainsi ; car cette guerre fut remplie de vicissitudes et de dangers, puisque, selon Thucydide, il s’en fallut de fort peu que les Samiens ne ravissent aux Athéniens l’empire de la mer. Après cette expédition, voyant déjà se soulever les flots de la guerre du Péloponnèse, il engagea le peuple à secourir les Corcyréens[2], attaqués par ceux de Corinthe, et à s’attacher une île si puissante par sa marine, à une époque où les peuples du Péloponnèse ne pouvaient plus tarder à devenir leurs ennemis. Sa proposition fut adoptée ; et il envoya à Corcyre Lacédémonius, fils de Cimon.

  1. Samos était une ville ionienne, comme Athènes.
  2. C’était cinq ans après la prise de Samos.