Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/465

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tous ses camarades ; car le bruit se fut bientôt répandu, parmi les enfants, qu’on louait Alcibiade de dénigrer la flûte, et de railler ceux qui apprenaient à en jouer. La flûte, depuis ce temps, fut exclue du nombre des instruments dont pouvait jouer un homme libre, et tenue pour chose digne de tous mépris.

Antiphon[1], dans son libelle diffamatoire, a écrit qu’Alcibiade enfant s’enfuit de la maison de ses tuteurs dans celle d’un nommé Démocratès, dont il était aimé. Ariphron voulait le faire réclamer par la voix du héraut ; mais Périclès s’y opposa. « S’il est mort, disait Périclès, la criée ne nous l’apprendra qu’un jour plus tôt ; et, s’il est vivant, nous l’aurons déshonoré, par cet éclat, pour le reste de sa vie. » Antiphon lui reproche encore d’avoir tué, dans la palestre de Sibyrtius, à coups de bâton, un des esclaves qui l’accompagnaient. Mais peut-être ne doit-on point ajouter foi aux imputations injurieuses d’un homme qui professait ouvertement sa haine pour Alcibiade.

Déjà une foule de citoyens distingués s’empressaient autour d’Alcibiade, et recherchaient son amitié ; mais on s’apercevait facilement que le motif de ces assiduités, c’était leur admiration pour les charmes de sa personne. Au contraire, l’amour que lui portait Socrate ne fut qu’un hommage rendu à la vertu du jeune homme, et à son heureux naturel. Socrate en voyait briller les traits à travers la beauté de son corps ; et, redoutant les périls que lui faisaient courir ses richesses, sa naissance, et cette foule de citoyens, d’étrangers et d’alliés, qui cherchaient à se l’attacher par leurs flatteries et leurs complaisances, il se crut appelé à le sauver de sa perte, et à empêcher, par ses soins, que cette plante ne se perdit dans sa fleur et ne gâtât le fruit qu’elle faisait espérer. En effet, jamais homme ne reçut, de la Fortune, aussi complète enveloppe

  1. Sophiste contemporain de Socrate, et qui cherchait à lui enlever ses disciples.