aussi leur ville à la mer par de semblables murailles[1] ; et, quelqu’un leur ayant dit par raillerie : « Gens de Patras, les Athéniens vous avaleront un beau jour. — Peut-être, répondit Alcibiade ; mais ce sera peu à peu, et en commençant par les pieds ; au lieu que les Lacédémoniens commenceraient par la tête, et en finiraient d’un seul coup. » Il ne laissait pas toutefois de pousser les Athéniens à s’agrandir du côté de la terre ; car il rappelait sans cesse aux jeunes gens le serment qu’ils avaient prêté dans le temple d’Agraule[2], et il les sommait de l’accomplir. Ils y juraient de ne reconnaître de bornes à l’Attique qu’au delà des blés, des orges, des vignes et des oliviers ; c’est-à-dire qu’ils y apprenaient à regarder comme leur territoire toute la terre cultivée et qui portait du fruit[3].
À ces exploits politiques, à tous ces discours, à cette élévation d’esprit et cette habileté rares, Alcibiade associait une vie de plaisirs et de dissipations. C’étaient des banquets désordonnés, de folles amours ; il s’habillait d’une façon efféminée, et il paraissait dans la place publique traînant de longs manteaux de pourpre ; enfin c’était une insolente prodigalité. Sur mer, il faisait percer le pont de son vaisseau, pour dormir plus mollement ; car il suspendait, dans l’ouverture, son lit sur des sangles, au lieu de le poser sur les planches. À l’armée, il avait un bouclier doré : on n’y voyait pas de ces emblèmes que portaient les Athéniens, mais bien un Amour tenant en main la foudre. Témoins de tant d’excès, les gens de bien se prirent à détester sa conduite, et ils ne purent contenir leur indignation. Ils craignaient d’ailleurs cette licence et ce mépris des lois ; et ils y