Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/544

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contrainte. Aussi, n’est-ce pas seulement pour des motifs de cette importance, que les Romains ont coutume de recommencer les sacrifices, les processions, les jeux sacrés : il suffit de la moindre chose. Qu’un des chevaux qui traînaient les thenses[1] vint à tirer plus lâchement, ou que le cocher prit les rênes de la main gauche ; et vite, un décret du sénat faisait recommencer la cérémonie. On les a vus, dans ces derniers temps, recommencer jusqu’à trente fois le même sacrifice, parce qu’on y croyait remarquer quelque défaut ou quelque obstacle. Tant les Romains ont pour la divinité un respect profond !

Cependant, à Antium, Marcius et Tullus conféraient secrètement avec les plus puissants d’entre les citoyens ; et ils les exhortaient à profiter des divisions des Romains, pour déclarer la guerre. Ceux-ci y répugnaient encore, parce qu’il y avait, entre les deux peuples, une trêve conclue pour deux ans ; mais les Romains leur fournirent un prétexte de rupture, en publiant, le jour même des jeux publics, sur un soupçon léger et calomnieux, un ordre à tous les Volsques de sortir de Rome avant le soleil couché. Ce fut, suivant quelques-uns, l’effet d’une ruse et d’un stratagème de Marcius, qui avait envoyé à Rome, aux consuls, le faux avis que les Volsques devaient attaquer les Romains pendant la célébration des jeux, et mettre le feu à la ville. Cette proclamation donna plus d’énergie que jamais à la haine des Volsques contre les Romains ; et Tullus, en insistant sur l’odieux de cette mesure, aigrit de plus en plus les âmes, et il obtint qu’on députerait à Rome, pour redemander les terres et les villes que les Volsques avaient perdues pendant la guerre. À ces propositions, les Romains s’indignèrent ; et ils répondirent aux dé-

  1. C’étaient des espèces de châsses d’argent ou d’ivoire, faites en forme de char couvert. On y portait les statues des dieux, et les objets consacrés, qu’on nommait exuviæ, dépouilles.