Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/73

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selon le récit de Fabius[1], exécuta l’entreprise hardie de l’enlèvement des Sabines. On croit que, porté naturellement à la guerre, persuadé d’ailleurs, sur la foi de certains oracles, que les destins réservaient à Rome la plus grande puissance, moyennant qu’elle fût nourrie dans les armes, et qu’elle grandit par elles, Romulus fit cet acte de violence pour provoquer les Sabins. Aussi n’en-leva-t-il qu’un petit nombre de jeunes filles, trente seulement, parce qu’il avait plus besoin de guerre que de mariages. Mais il est plus vraisemblable que, voyant sa ville tout d’abord remplie d’étrangers, dont très-peu avaient des femmes, et dont le reste n’était qu’un mélange confus de gens nécessiteux et obscurs, qui, méprisés par les autres, ne paraissaient pas devoir lui rester longtemps attachés, il espéra, par cet enlèvement, préparer pour eux un commencement d’alliance avec les Sabins, lorsqu’ils seraient parvenus à apaiser leurs femmes. Voici comment il exécuta son dessein. Il fit d’abord répandre le bruit qu’il avait trouvé, sous terre, l’autel d’un dieu : c’était le dieu Consus, ou du conseil ; car, aujourd’hui encore, les Romains donnent le nom de conseils à leurs assemblées publiques, et, à leurs premiers magistrats, celui de consuls ou conseillers. D’autres veulent que le dieu soit Neptune équestre ; car cet autel, placé dans le grand Cirque, reste toujours invisible, excepté au temps des courses de chevaux. Suivant d’autres, le secret dont on enveloppe les délibérations explique pourquoi l’autel du dieu reste sous terre et dérobé aux regards. Pour fêter sa découverte, Romulus fit publier qu’à certain jour il ferait, en l’honneur du dieu, un sacrifice solennel, suivi de jeux et de spectacles. On s’y rendit en foule de toutes parts. Romulus, vêtu de pourpre et entouré des principaux citoyens, était assis au premier rang. Voici quel devait être le signal de l’atta-

  1. C’est l’historien Fabius Pictor.