Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/85

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tin au grand Cirque. C’est là que se trouvait, dit-on, le cormier sacré, dont on fait le conte suivant. Romulus, pour éprouver sa force[1], avait lancé, du haut de l’Aventin, un javelot dont le bois était de cormier. La pointe entra si avant dans le sol, qu’il fut impossible de l’arracher ; et, comme le terrain était bon, le bois eut bientôt germé : il prit racine, jeta des branches, et devint, avec le temps, une belle tige de cormier. Les successeurs de Romulus, jaloux de conserver cet arbre, qu’ils honoraient comme chose sainte et sacrée entre toutes, le firent entourer de murailles. Un passant croyait-il s’apercevoir que son feuillage n’était plus ni vert ni touffu, et qu’il se flétrissait faute de nourriture, vite il allait faisant retentir devant lui la nouvelle. Alors c’étaient des cris : À l’eau ! à l’eau ! comme pour un incendie. On accourait de toutes parts ; on apportait au cormier des vases pleins d’eau. On dit que, lorsque Caïus César[2] fit réparer les degrés, les ouvriers, en creusant près de l’arbre, offensèrent par mégarde ses racines, et le firent périr.

Les Sabins adoptèrent les mois des Romains. Nous avons rapporté, dans la Vie de Numa[3], tout ce qu’il était bon de noter sur cet objet. Romulus leur emprunta l’usage du bouclier long, qu’il substitua, dans son armure et dans celle des Romains, au bouclier argien[4]. Les deux peuples firent en commun leurs sacrifices et leurs fêtes ; et, sans retrancher aucune de celles qu’ils célébraient chacun en particulier, ils en instituèrent de nouvelles. De ce nombre est la fête des Matronales[5], hommage rendu aux femmes en reconnaissance de la paix, et celle des Carmentales. Carmenta, s’il faut en croire quelques-

  1. D’autres disent qu’il voulait marquer l’espace pour un augure.
  2. Jules César.
  3. Voyez plus bas dans ce volume.
  4. C’est-à-dire un bouclier rond.
  5. On la célébrait au printemps. Le nom de matrones était la qualification des femmes mariées, et se prenait toujours en bonne part.