Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/99

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Latins voulaient renouer l’ancienne alliance, qui commençait à s’affaiblir ; qu’il fallait que les deux nations s’unissent entre elles par de nouveaux mariages : si on leur envoyait un certain nombre de filles et de jeunes veuves, il y aurait paix et amitié, comme autrefois on s’était accommodé, et aux mêmes conditions, avec les Sabins. À cette proposition, les Romains se troublèrent. Si, d’un côté, ils craignaient la guerre, ils voyaient, de l’autre, que, livrer des femmes, c’était se mettre sous la dépendance absolue des Latins, Dans cette perplexité, une esclave nommée Philotis, ou Tutola, selon d’autres, vint leur conseiller de ne prendre ni l’un ni l’autre parti, mais d’employer la ruse, pour éviter et de faire la guerre, et de livrer de pareils otages. La ruse consistait à envoyer aux ennemis Philotis elle-même, avec les plus belles esclaves, vêtues en femmes de condition libre : la nuit, Philotis élèverait, du camp des ennemis un flambeau allumé ; les Romains alors sortiraient en armes, et ils surprendraient les Latins endormis. Le projet fut adopté, et les ennemis donnèrent dans le piège. Philotis éleva le flambeau, du haut d’un figuier sauvage. Elle avait étendu par-derrière elle des couvertures et des tapis, afin que les ennemis ne pussent voir la lumière, tandis qu’elle brillerait aux yeux des Romains. Dès que ceux-ci l’aperçurent, à l’instant ils sortirent, fort empressés, et, afin de s’animer encore, s’appelant les uns les autres à plusieurs reprises. Ils surprirent les ennemis à l’improviste, et les taillèrent en pièces. C’est pour conserver le souvenir de cette victoire qu’ils célébreraient la fête de la Fuite du peuple ; et ils appelleraient ce jour les nones Capratines, du mot caprificus, qui signifie, chez les Romains, un figuier sauvage. Ce jour-là, on donne aux femmes un festin hors de la ville, à l’ombre de branchages de figuier. Les servantes vont quêtant à la ronde, et folâtrant ; puis elles se frappent et se jettent des pierres, pour imiter celles qui vinrent