Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/121

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livrés soit aux Grecs, soit aux Barbares, on ne se rappelait point que jamais ils eussent été vaincus par des ennemis inférieurs en nombre, ou même à nombre égal. Aussi marchaient-ils au combat avec une confiance irrésistible, jetant l’effroi par leur seule réputation dans le cœur de leurs adversaires qui, même avec des forces égales, ne se seraient point crus en état de lutter contre des Spartiates. Ce combat est le premier qui ait appris à tous les peuples de la Grèce que ce n’était pas seulement sur les bords de l’Eurotas, entre le Babyce et le Cnacion[1], qu’il pouvait naître des hommes vaillants et belliqueux, mais que, chez tous les peuples où la jeunesse rougit de ce qui est honteux, montre son audace dans les actions honorables, et craint plus le blâme que le péril, là aussi sont les hommes les plus redoutables à leurs ennemis.

Le bataillon sacré fut organisé, dit-on, par Gorgidas, et composé de trois cents hommes d’élite. L’État fournissait aux frais de leurs exercices et de leur entretien ; ils campaient dans la Cadmée, et c’est pourquoi on les appelait le bataillon de la ville ; car, à cette époque, c’étaient les citadelles qu’on appelait proprement villes. Quelques-uns prétendent que ce corps se composait d’amants et d’aimés ; et l’on cite à ce sujet un mot plaisant de Pamménès : « Le Nestor d’Homère, disait-il, n’entendait rien à la tactique, quand il conseillait de ranger les Grecs par nations et par lignées :

« Que la lignée soutienne les lignées, et la nation les nations[2]. »


« Il faut ranger l’amant auprès de l’aimé ; car, dans les périls, on ne se soucie guère des hommes de la même na-

  1. Sur le Babyce et le Cnacion, voyez la Vie de Lycurgue, dans le premier volume.
  2. Iliade, II, 303.