Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/125

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les tombeaux de ses filles. Depuis ce temps, des oracles et des prédictions n’avaient cessé de recommander aux Spartiates de se garantir et de se garder du courroux vengeur de Leuctres. Or, le peuple ne comprenait pas le sens de cet avertissement, et l’on n’était pas bien fixé sur le lieu dont il s’agissait. Il y avait, en effet, une petite ville nommée Leuctres, en Laconie, près de la mer, et un autre endroit du même nom près de Mégalopolis en Arcadie. D’ailleurs ce crime était fort ancien à l’époque de la campagne de Leuctres.

Pélopidas dormait dans sa tente ; il crut voir les filles de Scédasus se lamentant autour de leurs tombeaux et lançant des imprécations contre les Spartiates, et Scédasus qui lui ordonnait d’immoler à ses filles une vierge rousse, s’il voulait remporter la victoire. Cet ordre lui parut horrible, et contraire aux lois humaines ; il se leva donc, et fit part de cette vision aux devins et aux commandants. Les uns furent d’avis qu’on ne devait point négliger cet ordre ni y désobéir ; et ils rappelaient les exemples anciens de Ménécée, fils de Créon[1], et de Macaria, fille d’Hercule[2] ; et l’exemple plus récent de Phérécyde le sage, mis à mort par les Lacédémoniens, et dont la peau était encore confiée à la garde des rois sur la foi d’un oracle ; et celui de Léonidas qui, sur une réponse des dieux, se sacrifia lui-même pour le salut de la Grèce ; et celui des enfants que Thémistocle immola à Bacchus Omestès avant la bataille de Salamine[3]. Et le succès, ajoutaient-ils, avait justifié l’opportunité de ces sacrifices. Agésilas, disaient-ils encore, partant des mêmes lieux qu’Agamemnon pour faire la guerre aux mêmes ennemis, avait eu la même vision que lui pendant son som-

  1. Voyez les Phéniciennes d’Euripide.
  2. Voyez les Héraclides du même poëte.
  3. Voyez la Vie de Thémistocle, dans le premier volume.