Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

victoire et des chants composés, pour cette occasion, à la louange du dieu et du général. C’est ainsi qu’il s’avançait : puis, quand il fut arrivé au temple de Jupiter Férétrien, il y entra, et il y offrit et consacra le trophée : il était le troisième, et il fut le dernier jusqu’à nos jours, qui consacra des dépouilles de cette espèce. Le premier qui remporta des dépouilles opimes fut Romulus sur Acron le Céninien[1] ; le second fut Cornélius Cossus sur Tolumnius l’Étrusque ; et le troisième Marcellus sur Britomartus, roi des Gaulois. Depuis Marcellus, nul autre n’a eu cette gloire.

Le dieu auquel on consacra ces dépouilles est appelé Férétrien, suivant quelques-uns du mot grec qui exprime la manière dont ce trophée est porté en cérémonie[2], parce qu’alors beaucoup de mots grecs étaient encore mêlés à la langue latine. Suivant d’autres, ce mot est un surnom de Jupiter, qui signifie lançant la foudre ; parce que frapper se dit chez les Romains ferire. D’autres le font venir du mot qui exprime les coups que l’on porte dans les combats ; en effet, de nos jours encore, les Romains, quand ils poussent un ennemi qui les évite, s’animent les uns les autres en répétant le cri : « Feri ! » c’est-à-dire : « Frappe ! »

On appelle dépouilles en général tout ce qu’on prend sur l’ennemi ; mais celles-là seules se nomment proprement opimes. Cependant on dit que Numa Pompilius, dans ses Mémoires, parle de premières, de secondes et troisièmes dépouilles opimes : il ordonne que les premières soient consacrées à Jupiter Férétrien, les secondes à Mars, les troisièmes à Quirinus[3] ; que pour les premières on donne, à celui qui les aura remportées, trois cents

  1. Voyez la Vie de Romulus, dans le premier volume.
  2. Φερετρεύειν, porter sur un brancard.
  3. C’est Romulus divinisé.