Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/242

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traînant à leur suite une foule d’amis et de domestiques ; en exigeant des sommes considérables pour des festins, pour des somptuosités de toute nature. Lui, au contraire, il se distingua par une simplicité qu’on a de la peine à croire. Il ne prenait rien sur le public pour sa dépense ; il visitait les villes, marchant à pied, sans voiture, sans autre suite qu’un appariteur qui lui portait une robe et un vase à libations pour s’en servir dans les sacrifices. Simple et facile sous ce rapport pour tous ceux qui dépendaient de lui, il se montrait, dans tout le reste, grave et sévère, inexorable dans l’administration de la justice, d’une exactitude et d’une rigueur inflexibles pour l’exécution des ordres qu’il donnait. Aussi, jamais la puissance romaine n’avait-elle paru à ces peuples ni si terrible ni si aimable.

L’éloquence de Caton présente à peu près le même caractère : elle était à la fois agréable et forte, douce et véhémente, plaisante et austère, sentencieuse et propre à la lutte. C’est ainsi que Socrate, suivant Platon, paraissait, extérieurement, grossier, satirique et outrageux dans la conversation, tandis qu’au dedans il était rempli de raison et de gravité, de discours capables d’arracher les larmes à ses auditeurs, et de bouleverser leurs âmes[1] Aussi ne sais-je pas sur quel fondement on a dit que le style de Caton ressemblait à celui de Lysias[2]. Du reste, j’en laisse le jugement à ceux qui s’entendent mieux que moi à distinguer les différents styles des orateurs romains. Pour moi, qui prétends que les paroles des hommes font mieux connaître leur caractère que ne fait le visage, où quelques-uns s’imaginent de le chercher, je vais rapporter quelques-uns de ses mots les plus dignes de mention.

  1. Voyez dans le Banquet de Platon le témoignage d’Alcibiade sur Socrate.
  2. C’est l’opinion de Cicéron, au moins dans le Brutus.