Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/264

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et dont Jupiter, comme il disait lui-même, ne pût diminuer le revenu. Il exerça la plus décriée de toutes les usures, l’usure maritime ; et voici comment il la faisait. Il exigeait que ceux à qui il prêtait son argent se formassent, au nombre de cinquante, en société de commerce, et qu’ils équipassent un pareil nombre de vaisseaux, sur chacun desquels il avait une portion qu’il faisait valoir par Quintion, son affranchi. Quintion s’embarquait avec les autres associés, et prenait part à toutes leurs opérations. Par là, Caton ne risquait pas tout son argent, mais seulement une petite portion, et pour un énorme bénéfice. Il prêtait aussi de l’argent à ses esclaves pour en acheter de jeunes garçons ; et, après les avoir exercés et instruits aux frais de Caton, ceux-ci les revendaient au bout d’un an. Caton en retenait plusieurs, qu’il payait au prix de la plus haute enchère. Et, s’adressant à son fils pour lui recommander ces pratiques : « Il n’est pas d’un homme, dit-il, mais d’une femme veuve de diminuer son patrimoine. » Mais il y a un mot de Caton bien plus caractéristique encore, et qui va bien plus loin : l’homme admirable, l’homme divin et le plus digne de gloire, c’est, suivant lui, celui qui prouve, par ses comptes, qu’il a acquis plus de bien dans sa vie que ne lui en avaient laissé ses pères.

Caton était déjà vieux, lorsque Carnéade, philosophe académique, et Diogène, philosophe stoïcien, vinrent d’Athènes à Rome demander pour les Athéniens la décharge d’une amende de cinq cents talents[1], à laquelle les Sicyoniens les avaient condamnés par contumace sur la poursuite des habitants d’Oropus. Ils furent à peine arrivés, que tous les jeunes Romains qui avaient pour les lettres un goût un peu prononcé allèrent les voir et les entendre, et s’éprirent d’admiration pour eux. Surtout

  1. Environ trois millions de notre monnaie.