Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/297

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combat naval, à cause de son inexpérience ; mais il avait fait remettre à flot un vaisseau fort vieux, fameux jadis, mais qui ne servait plus depuis quarante ans, et il l’avait monté avec ses concitoyens : le bâtiment faisait eau ; et Philopœmen courut risque de périr, lui et les siens. Depuis cet échec, les ennemis le méprisaient, et il ne l’ignorait pas ; ils crurent qu’il renoncerait dès ce moment à la mer, et ils s’en allèrent fièrement mettre le siège devant Gythium[1] : Dans la confiance de la victoire, et ne s’attendant nullement à être attaqués, ils étaient épars sans discipline. Philopœmen fit voile vers ce point ; et, pendant la nuit, il fit débarquer ses troupes, les conduisit à l’ennemi, mit le feu aux tentes, incendia tout le camp, et fit un horrible carnage.

Quelques jours après, comme il était en marche, et dans un passage dangereux, tout à coup Nabis apparut, et jeta l’épouvante dans les rangs des Achéens, qui se crurent perdus sans aucune espérance, dans des passages si difficiles, et qui étaient au pouvoir de l’ennemi. Philopœmen s’arrêta un instant, et, embrassant d’un coup d’œil la disposition du terrain, il prouva que la tactique est la perfection de l’art militaire. Il fit faire à sa phalange un léger mouvement, la rangea suivant les lieux et la circonstance, et sans trouble, sans peine, il éluda les difficultés, puis, fondant sur l’ennemi, il le mit en pleine déroute. Les fuyards ne se dirigeaient point vers la ville, mais ils s’éparpillaient dans la plaine, couverte de bois et de hauteurs, et coupée de cours d’eau et de ravins qui la rendaient impraticable pour la cavalerie ; Philopœmen s’en aperçut : il ne les poursuivit pas, et il établit son camp avant la nuit. Il conjecturait que les ennemis alors en fuite retourneraient, un à un ou deux à

  1. C’était le port et l’arsenal de Lacédémone, à une petite distance de cette ville.