Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/305

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tyran Nabis. » Il y en avait pourtant quelques-uns qui, pour faire plaisir à Dinocratès, voulaient qu’on torturât et qu’on fît périr cet homme, comme un ennemi cruel et irréconciliable, et qui serait en outre d’autant plus dangereux pour Dinocratès s’il échappait après avoir été ainsi par lui outragé et traîné captif. À la fin, on le conduisit dans le souterrain appelé le Trésor, qui ne recevait du dehors ni air ni lumière, qui n’avait point de porte, et ne se fermait qu’au moyen d’une grosse pierre ; on l’y déposa, et, après avoir roulé la pierre à l’entrée, on plaça alentour des hommes armés.

Cependant les cavaliers achéens s’étaient arrêtés dans leur fuite ; ils s’étaient reconnus, et, ne voyant Philopœmen paraître nulle part, ils le croyaient mort. Longtemps ils demeurèrent là à l’appeler à grands cris, puis à se reprocher la honte et l’injustice qu’il y avait à eux de se sauver en abandonnant leur général, qui n’avait pas épargné sa vie pour assurer la leur. Ensuite ils partirent tous ensemble, et, en le cherchant de tous côtés, ils apprirent qu’il était prisonnier, et ils en répandirent la nouvelle par les villes de l’Achaïe. On regarda cet événement comme une grande calamité ; on résolut d’envoyer une députation aux Messéniens pour le redemander, et l’on se prépara à la guerre.

Voilà ce que faisaient les Achéens.

Dinocratès, de son côté, craignant tout délai, qui ne pouvait qu’être salutaire à Philopœmen, voulait prévenir les mesures que prendraient les Achéens. Quand la nuit vint, et que la multitude des Messéniens se fut retirée, il ouvrit la prison, et y fit entrer un officier public chargé de porter du poison à Philopœmen, avec ordre de rester auprès de lui jusqu’à ce qu’il eût achevé de le boire. Philopœmen était couché dans son manteau, non pas endormi, mais abîmé dans la douleur et la tristesse. En voyant la lu-