Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/311

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un mot l’arsenal de sa phalange, c’était la Grèce : tant que les Grecs n’étaient pas détachés de Philippe, cette guerre ne pouvait pas être l’affaire d’une seule bataille. La Grèce n’avait pas encore eu de grandes relations avec les Romains : c’était la première circonstance où ses intérêts se trouvassent engagés dans les leurs ; et, si le général n’eût pas été un homme d’un naturel doux, qui préférât les voies de conciliation à la violence, qui sût écouter avec affabilité et persuader par la confiance ceux qui traitaient avec lui, tout en maintenant rigoureusement les droits de la justice, la Grèce ne se fût pas décidée sans difficulté à quitter ses maîtres accoutumés pour passer sous une domination étrangère. C’est ce qu’on va voir clairement dans le récit des actions de Titus.

Il savait que les généraux chargés avant lui de cette guerre, Sulpicius et Publius[1] n’étaient entrés en Macédoine que dans l’arrière-saison, et qu’ils avaient traîné en longueur la guerre contre Philippe, consumant leurs forces en combats de postes, en escarmouches pour forcer un passage ou enlever un convoi : il ne voulut pas, comme eux, passer l’année de son consulat à Rome, occupé à traiter les affaires, à jouir des honneurs de sa charge, pour ne se rendre à son armée qu’au dernier moment, et gagner, par conséquent, une année outre celle du consulat, en employant la première à gouverner dans Rome, et l’autre à faire la guerre. Il n’avait d’autre ambition que de pousser vivement la guerre durant l’année entière de son consulat : il renonça aux honneurs et aux distinctions dont il eût joui dans la ville ; il demanda au Sénat qu’on lui permît d’emmener avec lui son frère Lucius pour commander la flotte ; il prit, parmi les

  1. Sulpitius Galba, consul l’an de Rome 654, et Publius Tapulus ou Villius, consul l’année suivante.