Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/334

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à l’accusation. Car la plupart assurent que la victime fut, non un transfuge, mais un prisonnier de ceux qui étaient condamnés à mort ; tel est particulièrement le témoignage de Cicéron dans le traité de la Vieillesse, et il met ce récit dans la bouche de Caton lui-même[1].

C’est sur ces entrefaites que Caton fut nommé censeur, et fit l’épuration du Sénat ; il en chassa Lucius, quoiqu’il fût personnage consulaire, et bien que la flétrissure parût rejaillir sur son frère. Aussi se présentèrent-ils tous deux devant le peuple dans l’état le plus humble et fondant en larmes ; là, ils firent une demande qui parut juste : c’était que Caton expliquât les motifs qu’il avait eus de flétrir à ce point une maison illustre. Caton se rend sans différer au Forum, et s’assied sur le tribunal avec son collègue ; il demande à Titus s’il a connaissance du banquet en question. Titus ayant répondu qu’il ignorait le fait, Caton raconte ce qui s’est passé, et défère le serment à Lucius, dans le cas où il s’inscrirait en faux contre ce récit. Lucius garda le silence ; et le peuple jugea qu’il avait mérité cette note d’infamie, et reconduisit honorablement Caton du tribunal jusqu’à sa maison. Titus, vivement touché du malheur de son frère, se ligua avec les anciens ennemis de Caton : il fit casser par le Sénat les baux de location et les marchés qu’avait faits Caton au nom de la république ; il lui suscita personnellement plusieurs procès graves ; mais je doute que ce fût une conduite sage et politique de vouer ainsi une haine irréconciliable à un excellent citoyen, à un magistrat qui remplissait son devoir ; et cela pour un homme, à la vérité son proche parent, mais indigne de l’être, et qui n’avait subi que la juste punition de son crime. Quoi qu’il en soit, un jour que le peuple romain était

  1. De Senect., 12. Voyez Tite Live, liv. XXXIX, 42.