Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/409

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qu’au dernier moment au désir de vivre ; mais il subit à la fin le châtiment de ses forfaits. On dit qu’au triomphe de Marius il fut porté trois mille sept livres pesant d’or, cinq mille sept cent soixante et quinze livres d’argent non monnayé, et, en espèces, deux cent quatre-vingt-sept mille drachmes[1].

Marius, après son triomphe, convoqua le Sénat dans le Capitole ; et, soit oubli, soit grossièreté de parvenu, il entra dans l’assemblée avec son manteau triomphal. Mais aussitôt, remarquant l’indignation du Sénat, il se leva et sortit ; puis il revint avec la robe bordée de pourpre.

Parti pour l’expédition, il travaillait son armée, chemin faisant, en l’exerçant à des courses de toute espèce et à de longues marches, en obligeant chaque homme à porter son bagage, à se préparer soi-même sa nourriture. De sorte que depuis lors, les hommes laborieux et qui font sans réplique et de bonne humeur ce qui leur est commanderont appelés des mulets de Marius. Cependant plusieurs donnent à cette expression une autre origine. Scipion voulut, suivant eux, lors du siège de Numance, passer en revue non-seulement les armes et les chevaux, mais même les mulets et les chariots, et voir comment chacun les soignait et les entretenait ; Marius amena son cheval parfaitement nourri et pansé de sa main, et un mulet qui, par son embonpoint, sa docilité et sa force, l’emportait de beaucoup sur les autres. Scipion fut si satisfait des bêtes de Marius, qu’il en parlait souvent. Voilà pourquoi, quand on veut faire un éloge railleur d’un homme assidu, infatigable et patient dans le travail, on dit : « C’est un mulet de Marius. »

Il m’est avis qu’en cette rencontre Marius eut un grand bonheur ; car les Barbares, par une sorte de reflux, s’écoulèrent d’abord vers l’Espagne, et il eut ainsi le temps

  1. Environ deux cent soixante mille francs de notre monnaie.