Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/423

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rive du fleuve, et qu’ils eurent examiné les moyens de passer, ils entreprirent de combler le lit à cet endroit. Ils arrachaient les coteaux voisins, comme eussent fait les géants ; ils jetaient dans le fleuve des arbres avec toutes leurs racines, d’énormes rochers, des tertres entiers, et resserraient ainsi les eaux ; puis ils lançaient en amont du pont des Romains d’énormes masses qui, entraînées par le courant, en battaient les appuis à coups redoublés.

Épouvantés de cette manœuvre, la plupart des soldats abandonnaient le grand camp, et se retiraient. Dans ces conjonctures, Catulus se montra tel que doit être un habile et accompli capitaine ; il fit voir qu’il plaçait l’honneur de ses concitoyens avant son propre honneur. Après de vains efforts pour persuader à ses troupes de rester à leur poste, voyant que tous pliaient bagage avec effroi, il ordonna de lever les aigles, et, courant en avant de ceux qui ouvraient la retraite, il se mit à leur tête ; par ce moyen, et c’était son intention, la honte retombait sur lui seul, et non sur sa patrie, et l’armée n’avait plus l’air de prendre la fuite, mais de battre en retraite sous les ordres de son général. Alors les Barbares s’avancèrent contre le fort construit au delà de l’Atison, et s’en rendirent maîtres, malgré la défense vigoureuse des Romains qui s’y trouvaient. La bravoure extraordinaire qu’ils avaient montrée en combattant dignement pour leur patrie remplit d’une telle admiration les Barbares, qu’ils les laissèrent aller à des conditions honorables, en jurant la capitulation par leur taureau d’airain. Ce taureau fut ensuite pris après la bataille, et porté, dit-on, dans la maison de Catulus, comme la meilleure part du butin acquis par la victoire. Le pays était resté ouvert, sans défense ; les Barbares s’y répandirent et le dévastèrent.

C’est pourquoi Marius fut appelé à Rome. Tous pen-