Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/504

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cement, il s’attacha à Catulus, collègue de Marius dans le consulat, honnête homme, mais qui manquait un peu de vigueur militaire. Bientôt Sylla, à qui Catulus confia les entreprises les plus importantes, acquit autant de puissance que de renommée. Il soumit la plupart des Barbares qui habitaient les Alpes ; et, l’armée romaine ayant manqué de vivres, Sylla, chargé par Catulus du soins d’en procurer, en fit venir une si grande abondance, que les soldats de Catulus en eurent au delà de leurs besoins, et en fournirent à ceux de Marius : circonstance qui mortifia singulièrement Marius, si l’on en croit ce que dit Sylla lui-même. Telle fut la frivole et puérile occasion qui fit naître leur haine mutuelle, cette rivalité qui, nourrie ensuite par les séditions, et cimentée du sang des guerres civiles, aboutit enfin à la tyrannie et au renversement total de la république. Preuve frappante de la sagesse d’Euripide et de sa profonde connaissance des maladies qui affligent les États ; car ce qu’il recommande, c’est de se garder de l’ambition, comme de la peste la plus pernicieuse et la plus funeste à ceux qui s’y livrent[1].

Sylla, estimant que la gloire qu’il avait acquise par les armes lui suffisait pour arriver aux dignités civiles, passa des emplois de l’armée aux brigues populaires, et se mit sur les rangs pour la préture urbaine ; mais il fut refusé, échec dont il attribua la cause à la populace. Ces gens, dit-il, qui savaient ses liaisons avec Bocchus, et qui s’attendaient qu’en le nommant édile avant de le faire préteur il donnerait des spectacles magnifiques de chasses et des combats de bêtes d’Afrique, nommèrent d’autres préteurs, dans l’espérance qu’ils le forceraient à demander l’édilité. Mais il paraît avoir dissimulé la véritable cause de ce refus, et les faits mêmes le prouvent ; car, l’année suivante, il se fit nommer préteur, en gagnant le

  1. Phéniciennes, vers 634.