Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/514

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Encouragé par cette vision, qu’il raconta le lendemain à son collègue, il poussa en avant sur Rome. Arrivé près de Picines[1], il reçut une députation : on le priait de ne pas tomber ainsi brusquement sur la ville ; on l’assurait que le Sénat était résolu de lui accorder tout ce qu’il demanderait de raisonnable. Il promit, sur leur demande, de camper dans ce lieu-là même, et ordonna aux capitaines de distribuer selon l’usage les quartiers du camp. Les députés s’en retournèrent pleins de confiance ; mais, à peine furent-ils partis, qu’il envoya Lucius Basillus et Caïus Mummius se saisir de la porte et des murailles voisines du mont Esquilin ; puis il les y joignit en toute hâte. Basillus entre dans la ville, et s’ouvre passage de vive force. Les habitants, qui étaient sans armes, montent en foule sur les toits des maisons, et font pleuvoir sur les soldats une grêle de traits et de pierres ; Basillus est forcé de s’arrêter, et de battre en retraite jusqu’au pied des murailles. Sylla survient en ce moment, et, voyant ce qui se passe, il crie qu’on mette le feu aux maisons : lui-même il prend une torche allumée et marche le premier, et ordonne à ses archers de lancer sur les toits des traits enflammés. Sourd à la raison, n’écoutant que sa passion, et se laissant maîtriser par la colère, il ne voyait dans la ville que ses ennemis ; et, sans aucun égard, sans aucune pitié pour ses amis, ses alliés et ses proches, sans aucune distinction de l’innocent et du coupable, il s’ouvrait un chemin dans Rome la flamme à la main.

Cependant Marius, qui avait été refoulé jusqu’au temple de la Terre, fit une proclamation pour appeler à la liberté tous les esclaves ; mais il céda bientôt à la vive attaque des ennemis, et s’enfuit précipitamment de la ville. Alors Sylla assemble le Sénat, et fait porter un dé-

  1. On ne sait pas ce que c’était que Picines.