Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/52

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chus le Grand ; et leurs généraux les plus habiles avaient été envoyés contre ce prince, lorsqu’il s’éleva une nouvelle guerre du côté du couchant : toute l’Espagne se révolta, et Paul Émile y fut dépêché avec la qualité de préteur. Au lieu des six faisceaux qu’ont avec eux les préteurs, on lui en donna douze, et il eut aussi dans cette charge l’appareil de la majesté consulaire. Il vainquit deux fois les Barbares en bataille rangée, et en tua environ trente mille. Ce succès brillant fut uniquement le fruit de l’habileté du général, qui, profitant de la position des lieux, et passant à propos une rivière, procura à ses troupes une victoire aisée. Deux cent cinquante villes firent leur soumission, et lui ouvrirent volontairement leurs portes. Il pacifia la province, s’assura de sa fidélité, et revint à Rome sans avoir, dans cette expédition, augmenté sa fortune de la valeur d’une drachme. Peu empressé à amasser du bien, il dépensait généreusement son patrimoine, qui fut toujours si modique, qu’après sa mort on trouva à peine de quoi payer la dot de sa femme.

Sa première femme fut Papiria, fille de Papirius Mnason[1], personnage consulaire. Après avoir vécu longtemps avec elle, il la répudia, quoiqu’elle lui eût donné des enfants d’un mérite distingué ; car c’est d’elle qu’il avait eu le fameux Scipion et Fabius Maximus. La cause de ce divorce n’est pas venue jusqu’à nous ; mais, dans cette matière, rien, ce me semble, n’est plus vrai que le propos d’un Romain qui avait répudié sa femme. Ses amis lui faisaient des remontrances : « N’est-elle pas sage, disaient-ils ? n’est-elle pas belle ? n’est-elle pas féconde ? » Le Romain étendit le pied, montra son soulier, et dit : « N’est-il pas de forme élégante ? n’est-il pas tout neuf ? Aucun de vous, pourtant, ne peut savoir

  1. Tite Live le nomme Papirius Masson.