Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/561

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

si pauvre et épuisa-t-il si bien le trésor, qu’il fut réduit à vendre, à prix d’argent, aux villes amies et alliées des Romains, leur indépendance et le droit de se gouverner par leurs lois. Cependant il confisquait et vendait chaque jour à l’encan les biens des familles les plus riches et les plus puissantes. Mais il faisait à ses flatteurs des prodigalités sans bornes. Et quelle mesure, quelle épargne peut-on croire qu’il gardât, au sein de la débauche, dans ses largesses privées, lorsqu’à la vue de tous, et environné du peuple, il adjuge à vil prix, à un de ses amis, les biens d’une famille opulente qu’il faisait vendre à l’encan ? Quelqu’un y ayant mis une enchère, que le crieur annonça, il en fut très-mécontent : « C’est une indignité, chers concitoyens, dit-il, c’est une vraie tyrannie qu’il ne me soit pas permis de disposer, comme il me plaît, des dépouilles qui m’appartiennent. » Lysandre, au contraire, envoyant à Sparte l’argent du butin fait sur les ennemis, y ajoute les dons qu’il avait reçus en particulier. Ce n’est pas que je le loue de l’avoir fait ; car peut-être nuisit-il plus à Sparte en y introduisant ces richesses, que Sylla ne fit à Rome en l’appauvrissant : je veux seulement donner une preuve du peu d’estime que Lysandre faisait des richesses.

Il y eut quelque chose de singulier dans la conduite de tous deux par rapport à leur ville. Sylla, effréné dans ses débauches et prodigue à l’excès dans ses dépenses, força ses concitoyens à une vie réglée ; Lysandre remplit sa patrie de vices qu’il n’avait pas. Ainsi ils se montrèrent tous deux inconséquents. L’un fut moins bon que ses propres lois ; l’autre rendit ses concitoyens moins bons qu’il ne l’était lui-même, car il fit contracter à Sparte des besoins dont il avait su personnellement se défendre.

Voilà pour leurs actes politiques.

Si nous passons aux exploits de guerre, aux faits d’armes, au nombre des trophées, à la grandeur des périls,