Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/564

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et la Cappadoce à leurs rois légitimes. C’est, à mon gré, la plus belle action de Sylla, et le plus noble effet de sa grandeur d’âme, d’avoir sacrifié de la sorte à l’intérêt public son utilité personnelle. Comme les chiens généreux, il ne lâche point prise, il n’accorde rien à son antagoniste qu’il ne se soit avoué vaincu : c’est alors qu’il court venger ses propres injures.

Enfin leur conduite à l’égard d’Athènes peut être de quelque poids pour faire juger la différence de leur caractère. Sylla prend la ville lorsqu’elle faisait la guerre pour soutenir la puissance et l’autorité de Mithridate, et lui laisse sa liberté et ses lois ; au lieu que Lysandre, loin de montrer la moindre pitié en la voyant déchue de cette glorieuse prééminence qu’elle avait exercée sur la Grèce, lui ôte son gouvernement populaire, et la soumet à des tyrans cruels et iniques.

Il me semble, d’après ce parallèle, qu’on ne s’éloignerait pas beaucoup de la vérité en disant que Sylla a fait de plus grandes actions, et Lysandre de moins grandes fautes ; que celui-ci mérite le prix de la tempérance et de la sagesse, l’autre celui du talent militaire et de la valeur.



FIN DU TOME DEUXIÈME.