Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

à un tel adversaire, admira, tout en méprisant sa personne, la grandeur de ses préparatifs et de ses forces. Sa cavalerie était de quatre mille hommes, et sa phalange de quarante mille fantassins environ. Il avait établi son camp sur le bord de la mer, au pied du mont Olympe, dans des lieux inaccessibles, et qu’il avait fortifiés de tous côtés par des palissades et des retranchements de bois ; là, il se croyait dans une entière sûreté, et comptait voir Paul Émile se consumer par la longueur du temps et par la dépense qu’il serait obligé de faire. Celui-ci ne s’endormait point, et s’ingéniait à chercher tous les expédients, tous les moyens possibles pour tenter quelque entreprise ; mais, comme il s’aperçut que l’armée, par une suite de l’ancienne licence, supportait impatiemment ses délais, et que tous, tranchant du général, se mêlaient de dire ce que Paul Émile aurait dû faire, il leur adressa de sévères remontrances : « Ne vous inquiétez, dit-il, que de ce qui vous regarde ; il n’y a pour vous qu’une affaire, c’est de tenir prêtes vos personnes et vos armes, et de manier l’épée en Romains, quand le général vous en donne l’occasion. » Il ordonna que les sentinelles de nuit feraient la garde sans pique, afin qu’elles redoublassent de vigilance et combattissent plus fortement le sommeil, en se voyant hors d’état de repousser les attaques de l’ennemi.

Les soldats avaient surtout à souffrir du manque d’eau ; car il n’y avait que quelques sources, distillant de minces filets d’une eau saumâtre, le long du rivage de la mer. Mais Paul Émile considérant la hauteur du mont Olympe, et les arbres qui le couvraient de leur ombre, conjectura, par la verdure de leur feuillage, qu’il y avait des sources d’eau vive, coulant sous les flancs de la montagne ; il leur ouvrit, sur plusieurs points, au bas du versant, des soupiraux et des puits : ils se remplirent aussitôt d’une eau pure, qui, des lieux où elle se trouvait pressée,